La mort solitaire

Nasrudin se promène sur la route. Effrayé par un bruit, il se jette dans le fossé.
« Je suis mort de peur », pense-t-il au bout d'un moment.
Le froid, la faim commencent à le tenailler. Il rentre chez lui, annonce à sa femme la triste nouvelle et retourne dans son fossé.
Secouée de sanglots, l'épouse du Mulla va chercher du réconfort chez les voisins :
« Mon mari est mort ! Il gît dans un fossé...
— Comment le sais-tu ?
— Personne n'a découvert son corps, alors, le pauvre, il a dû venir me le dire lui-même. »

Le pari

A la maison de thé, un farceur défie Nasrudin :
« On dit que tu as plus d'un tour dans ton sac. Eh bien, moi, je te parie cent pièces d’or que tu n'arriveras pas à me berner ! »
Nasrudin accepte de parier avec lui.
« Attends-moi, je reviens », dit-il en se dirigeant vers la porte.
Trois heures plus tard, le farceur est toujours là à attendre Nasrudin et son "tour". Il finit par reconnaître qu'il s'est fait avoir.
Il se rend chez le Mulla avec un sac contenant cent pièces d'or, passe le bras par la fenêtre entrouverte, laisse choir le sac à l'intérieur.
Nasrudin est allongé sur son lit, cherchant quel mauvais tour il pourrait jouer au farceur. Il entend le tintement des pièces, trouve le sac, fait le compte.
« Ecoute, dit-il à sa femme, le destin m’envoie la somme que je devrai verser si je perds le pari. Il ne me reste plus qu’à élaborer un plan pour me payer la tête du farceur qui doit m’attendre impatiemment à la maison de thé. »

Description de l'objet perdu

Nasrudin a perdu un somptueux turban.
« Tu dois être bien ennuyé, Mulla ! compatit un voisin.
— Non, je suis sûr de le retrouver : j'ai offert une récompense d'une demi-pièce d'argent.
— Mais celui qui le trouvera ne va sûrement pas se défaire d'un turban qui vaut cent fois plus que cela !
— J'y ai songé, figure-toi. J'ai signalé qu'il s'agissait d'un vieux turban, sale, très différent du vrai. »

Ce qu'il en coûte d'apprendre

Il y a profit à apprendre quelque chose de nouveau », se dit Nasrudin.
Il va trouver un maître de musique :
« Je veux apprendre à jouer du luth. Combien cela me coûtera-t-il ?
— Pour le premier mois, trois pièces d'argent. Ensuite, une pièce d'argent par mois.
— Parfait ! Je commencerai le deuxième mois. »

Chez le barbier

Nasrudin entre chez le barbier. Celui-ci le rase d'une main maladroite avec un rasoir émoussé ; chaque fois qu'il le fait saigner, il met un coton sur la coupure pour arrêter le saignement. Au bout de quelques minutes, la moitié du visage de Nasrudin est couverte d'ouate.
Le barbier s'apprête à raser l'autre joue, quand son client se voit soudain dans la glace et se lève d'un bond :
« Merci, frère, ça suffit pour aujourd'hui ! J'ai décidé de faire pousser du coton d'un côté, et de l'orge de l'autre ! »

Les voleurs et l'âne

Djeha-Hodja Nasreddin venait d'acheter un âne quand, sur le chemin de retour, deux voleurs l'attendaient. L'un des deux détacha l'âne que Djeha-Hodja Nasreddin tenait en laisse et l'autre prit la place de l'âne. Quand il arriva à la maison, il constata la métamorphose.
- Qui es-tu ? Dit Djeha-Hodja Nasreddin
- J'ai fait beaucoup de bêtises dans mon enfance et ma mère, qui était une sorcière, m'a puni en souhaitant que je devienne un âne pour une période de vingt ans. Cette période vient juste de se terminer, laisse-moi rentrer chez moi, s'il te plait, dit le voleur.
Djeha-Hodja Nasreddin fut touché par cette histoire et relâcha le voleur en lui demandant de ne plus recommencer. Le lendemain, Djeha-Hodja Nasreddin repartit au marché en acheter un autre et, surprise, il retrouva l'âne qu'il avait acheté la veille. Alors, il s'approcha de lui et lui dit à l'oreille :
- Ah ! Toi, tu as encore fait des bêtises. Cette fois, je te jure que je ne t'achèterai pas.

Rien à voler

Un voleur s'est introduit chez Djeha-Hodja Nasreddin. Il fouilla partout sans rien trouver, jusqu'au moment où il ouvrit l'armoire de la chambre et y trouva Hodja.
- Que fais-tu là, lui demanda t-il, je te croyais au marché ! Tu vois, j'avais soif et je suis entré juste pour me désaltérer
- Je sais que tu es un voleur, lui dit Hodja. Dès que je t'ai entendu, je me suis caché, tellement j'avais honte.
- Honte de quoi ?
- Honte … qu'il n'y ait rien à voler chez moi

La question sans réponse

A la maison de thé, on s’était régalé toute la soirée des paradoxes et idioties du Hodja, lorsque pour finir, quelqu’un lui demanda :
- Nasreddin, toi qui as réponse à tout, y a-t-il seulement une question à laquelle tu serais incapable de répondre ?
- Bien sûr, mais il faut que ce soit une vraie question.
- Qu’entends-tu par-là ?
- Une fois, par exemple j’étais en train de voler du blé dans la grange de mon voisin lorsqu’il est arrivé à l’improviste, me prenant la main dans le sac. Il m’a demandé : Nasreddin que fais-tu là ? Je n’ai pas su quoi lui répondre !

La gifle

Nasreddin sort sur le pas de sa porte en tenant une cruche, mais se rendre à la fontaine par cette chaleur est une corvée. Il avise une petite fille qui passe par-là et lui demande d’aller lui chercher de l’eau.
-Surtout ne casse pas la cruche, lui recommande-t-il et là-dessus lui donne une paire de gifles.
La petite se met à pleurer et son voisin qui a vu la scène, est furieux d’une telle brutalité :
- Qu’Allah te maudisse, Nasreddin ! Il n’y a pas d’être plus vil que toi !
- Dis-moi, toi qui fais le censeur : à quoi servent les gifles quand la cruche est cassée ?

L'omelette

Nasreddin du temps qu’il était aubergiste à la campagne, voit arriver un jour une troupe brillante de chasseurs à cheval. C’est un grand seigneur et sa suite.
-Holà, aubergiste une collation ! Nous avons l’estomac vide. Nasreddin leur prépare une omelette qu’ils mangent avec appétit.
-Combien te dois-je ? demande le seigneur au moment de repartir.
-Trente dinars, Excellence.
-Par Allah ! Trente dinars pour une omelette ! Les œufs sont donc bien rares par ici.
-Non, Excellence, ce ne sont pas les œufs qui sont rares par ici, ce sont les gens riches.

La pièce de monnaie

C’est jour de marché. Il y a sur la place, comme d’habitude une grande affluence de gens qui vont, viennent, parlent fort, gesticulent, tout à la joie de faire de bonnes affaires et de rencontrer des amis. Nasreddin Hodja se mêle à la foule et déambule avec les autres lorsqu’il découvre par terre une petite pièce de monnaie. Aussitôt il la ramasse et monte sur la terrasse d’une maison :
-Holà ! Vous tous, crie-t-il en brandissant la pièce, cessez de vous agiter ainsi, je l’ai trouvée !

Les figues

Nasreddin Hodja décide d’offrir à Tamerlan (chef des Huns) quelques figues de son jardin pour se concilier ses bonnes grâces. Le Hodja ignore à quel point le Tartare a ces fruits en horreur.
A peine Nasreddin les lui a-t-il donné que Tamerlan en prend une bien mûre et la lui lance au visage.
- Allah est grand ! s’exclame Nasreddin sans broncher, quoiqu’il soit tout couvert du jus et de la chaire éclatée.
Agacé Tamerlan en prend une autre et recommence.
- Grâces te soient rendues, Allah !
Et Nasreddin a l’air aussi content que si on lui annonçait une livraison de halva.
- Arrête, fils de chacal ! cria Tamerlan exaspéré. As-tu fini de rendre aussi stupidement grâce au ciel ? Tu ne vois pas dans quel état j’ai mis ta tête et ton turban ?
- Je comprends ta surprise, ô mon maître, mais quand je pense que j’ai failli t’apporter des melons !

Le soleil ou la lune ?

On n’aimait bien embarrasser Nasreddin Hodja avec des questions oiseuses ou carrément impossibles à résoudre. Un jour, on lui demande :
- Nasreddin, toi qui es versé dans les sciences et les mystères, dis-nous quel est le plus utile du soleil ou de la lune
- La lune sans aucun doute. Elle éclaire quand il fait nuit, alors que ce stupide soleil luit quand il fait jour.

Enseigner la réalité

Les élèves interrogent Nasreddin Hodja, leur instituteur :
- Maître, quel homme a plus de valeur : celui qui conquiert un empire par la force, celui qui peut le conquérir, mais qui se l'interdit ou celui qui empêche un autre de s'emparer d'un tel empire ?
Perplexe, Hodja répond :
- Je n'en sais rien. Mais je sais quelle est la tâche la plus difficile au monde.
- Laquelle ? demandent les élèves.
- Vous apprendre à voir les choses comme elles sont réellement.

Un conseil d'ami

- Quelle est la chose la plus précieuse au monde ? l'interrogent les amis de Hodja.
- C'est facile ! Un conseil d'ami n'a pas de prix, répond Nasreddin.
- … Et la chose qui a le moins de valeur ?
- C'est aussi un conseil d'ami, répond-il à nouveau.
Voyant ses amis étonnés, il ajoute l'explication suivante :
- Le conseil d'un ami peut s'avérer sans prix s'il est suivi. Par contre, il est sans valeur si on n'en tient pas compte.

Ramadan

Cette année-là, le mois du Ramadan tombait en plein milieu d'un été torride.Déshydraté, Nasreddin, ne pouvant plus attendre l'heure de la rupture du jeûne,s'approche discrètement d'une fontaine. Enfin, il peut boire un peu d'eau.
- Mais que fais-tu Hodja ? N'est-ce pas un pêché de rompre le jeûne avant l'heure ?dit un passant.
- Tais-toi ! Le Ramadan revient chaque année, mais moi, si je meurs, je ne reviens plus !

Monter au ciel

Des prêtres demandèrent à Nasreddin Hodja :
- Comment votre Prophète a-t-il fait pour monter au Ciel ? Cela reste un mystère pour nous.
- Qu'y a-t-il de si mystérieux ? Il a emprunté la même échelle que Jésus.

Qui croire ?

Un voisin que Nasreddin apprécie peu était venu lui demander de prêter son âne. Hodja dit que l'animal n'était pas à l'étable. Juste à ce moment-là, l'âne commença à braire.
- N'as-tu pas honte de mentir ! se scandalisa le voisin.
- Il est possible que je mente. Mais c'est étrange que, toi, tu croies mon âne plutôt que moi !

ou encore...

Un voisin passe voir Nasrudin.
« Mulla, veux-tu me prêter ton âne ?
- Désolé, je l'ai déjà prêté. »
À ces mots, l'âne, qui se trouve dans l'écurie, se met à braire.
« Hé ! Mulla, ton âne est là, je l'entends !
- Un homme qui attache plus d'importance à ce que dit un âne qu'à ce que je dis, moi, ne mérite pas qu'on lui prête quoi que ce soit », fait Nasrudin, très digne, en lui fermant la porte au nez.

Le bon sens

Nasreddin avait enfourché son âne à l'envers. Les villageois se mettent à le suivre pour lui demander la raison. Il leur répond : « Si je le monte normalement, je vous tourne le dos, et cela ne se fait pas.Si vous marchez devant moi, c'est vous qui me tournez le dos et c'est impoli.C'est pourquoi, j'ai choisi de monter ainsi sur mon âne : je suis certes toujours devant, mais au moins je ne vous tourne pas le dos ! »

Pain quotidien

Des gardes viennent arrêter Hodja. Le sultan veut le confronter avec les sages les plus éminents du pays, qui l'accusent d'hérésie. Pour sa défense, Hodja demande qu'on donne de quoi écrire aux savants. Il les invite à répondre par écrit à une seule question : « Qu'est-ce qu'un pain ? »

Et puis, il lit les réponses à l'assemblée :
- Pour le juriste, le pain est une nourriture.
Pour le physicien, c'est de la farine et de l'eau.
Pour le théologien, un don du Ciel.
Pour le géographe, une pâte cuite.
Pour le philosophe : cela dépend de ce qu'on entend par "pain".
Pour le médecin, c'est une substance nutritive.
Enfin, pour l'historien, personne ne sait ce que c'est.

Puis, il se tourne vers le sultan et dit :
- Seigneur, ils sont incapables de se mettre d'accord pour définirune chose qu'ils mangent tous les jours. Comment pourraient-ilsdécréter de commun accord que je suis un hérétique ?

La tête oubliée

Nasreddin collectait de l'argent pour une bonne œuvre. Il se présenta à la porte d'un riche manoir.
- Dis à ton maître que je voudrais le voir, dit-il au valet.
- Mon maître est sorti, répondit-il.
- Alors, dis-lui qu'il n'oublie pas, quand il sort, sa tête à la fenêtre derrière le rideau. On pourrait le lui voler !

Le salaire promis

Un plaignant vient trouver le juge Nasreddin.
- J'ai effectué un travail pour quelqu'un. Quand je lui ai demandé combien il me donnera, il m'a répondu 'rien'. A présent, il refuse de me donner ce qu'il a promis.
Après réflexion, Nasreddin lui dit :
- Soulève le coin du tapis.
Le plaignant s'exécute.
- Que vois-tu ?
- Rien !
- Alors prends ton rien et va-t'en !

Vous avez raison

Nasreddin Hodja était devenu juge à Aksehir. Un homme vint se plaindre d'un autre.
- Tu as raison, dit-il, après l'avoir écouté.
L'autre arriva le lendemain et raconta le contentieux à sa façon.
- Toi aussi, tu as raison, répondit Hodja.
Sa femme qui avait entendu les deux versions se scandalisa :
- Hodja ! Quelle est cette justice ? Un juge qui donne raison à l'un, puis à l'autre.
Après avoir réfléchi un moment, Nasreddin se retourna vers sa femme et lui dit :
- Chérie, toi aussi, tu as raison !


Cette histoire peut être mise en parallèle avec une autre histoire attribuée à Bouddha :

Le Bouddha, en compagnie de quelques disciples, reçoit des visiteurs. Un croyant vient lui expliquer que Dieu existe. Le Bouddha l'écoute et lui dit : « Vous avez raison. » Le croyant sort satisfait. Un incroyant vient lui expliquer que Dieu n'existe pas. Le Bouddha l'écoute et lui dit : « Vous avez raison. » L'incroyant sort satisfait. Par contre, les disciples ne le sont pas et le disent bruyamment. Et le Bouddha leur dit : « Vous aussi, vous avez raison. »

La boisson

- Oh ! Fatima chérie, dit Djeha-Hodja Nasreddin, la boisson te rend si belle.
- Mais je n'ai rien bu, dit sa femme.
- Bien sûr, rétorqua Djeha, c'est moi qui ai bu.

La question de la question

On demanda à Djeha-Hodja Nasreddin :
- Comment se fait-il que vous répondez toujours à une question par une autre question ?
- Je fais cela, moi? Répondit Djeha.

La raison du plus fort

Un jour, Nasredin Hodja eut besoin de traverser la Mer de Marmara. Il prit donc le bateau, mais juste au milieu de la traversée, une grande tempête se leva et le bateau commença à couler. Tous les passagers et les membres d'équipage se mirent à écoper pour essayer de maintenir le bateau à flots. Cependant, parmi la foule, il se trouva un homme qui, à la consternation générale, prenait l'eau dans la mer pour la jeter dans le bateau : l'inévitable Nasredin Hodja. Le capitaine se précipita vers lui en l'injuriant, en l'accusant de vouloir tous les tuer, mais Nasredine ne se départit pas de son calme. Il expliqua au capitaine qu'il se contentait de suivre le conseil que sa mère lui répétait tout le temps : toujours se mettre du côté du plus fort...

Grave question !

Les anciens du village essayèrent, un jour, de résoudre une question sérieuse : si le fleuve prenait feu, où donc les poissons pourraient-ils s'enfuir ?
Après de longues délibérations, n'ayant pas trouvé de solution, ils allèrent consulter Nasreddin. Celui-ci, après les avoir écoutés, s'écria :
- Pourquoi vous inquiétez-vous ? Si vraiment le fleuve prenait feu, les poissons pourraient grimper dans les arbres.

La chute

Un jour, le voisin de Nasredin Hodja se précipita chez lui en demandant quel était ce terrible bruit qu'il venait d'entendre.
- Ce n'est pas grave, dit Nasredine, c'est juste ma femme qui a jeté ma tunique dans l'escalier.
- Et ça a fait un bruit pareil ?
- Oui... J'étais dedans.

Le bol de lait

Nasreddin est invité chez un riche. La collation qu'il fait servir est un délicieux lait de chamelle bien frais saupoudré de cannelle. L'hôte s'en sert un plein bol, mais il ne remplit qu'a demi celui de son invité. Nasreddin commence à s'agiter sur son siège cherchant partout autour de lui.
- qu'est ce que tu voudrais, Nasreddin ? une cuiller, du sucre ?
- non, une scie. J'aimerais enlever le haut de mon bol, qui ne me sert à rien.

Ecrire et marcher

- Nasreddin , j'ai une lettre importante à envoyer à Istanbul. Tu sais bien que je n'ai pas été à l'école : veux-tu me l'écrire ?
- Excuse-moi, répond Nasreddin, j'ai mal aux pieds.
- Tu te sers de tes pieds pour écrire ?
- Non, avec les pieds, je marche, mais j'écris tellement mal qu'il faut que j'aille moi-même auprès du destinataire pour lui lire ma lettre.

Enfer ou paradis ?

A la fin de son prêche consacré aux souffrances qui attendent les damnés dans l'autre monde et aux joies réservées aux élus, l'imam s'écrie :
- Ô croyants! Que ceux qui veulent aller en enfer se lèvent! Tout le monde reste assis, la tête baissée.
- C'est bien, musulmans! Alors maintenant, que ceux qui veulent aller au paradis d'Allah se manifestent!
L'assemblée des fidèles se met debout comme un seul homme, à l'exception de Nasr Eddin qui reste assis.
- Eh bien, Hodja, il faudrait te décider! Tu ne veux pas non plus aller au paradis, à ce que je vois...
- Non, allez-y, vous. Moi, je reste ici.

La barbe du savant

Un savant qui voulais mettre à l'epreuve Nasreddin lui demanda en caressant fièrement sa longue barbe :
- Djeha-Hodja Nasreddin Effendi, j'ai une question très simple à te poser, combien de poils y a t-il dans ma barbe ?
- Oh ! C'est une question simple, répondit Djeha-Hodja Nasreddin. Il y a autant de poils dans ta barbe qu'il y a de poils dans la queue de mon âne.
- Comment en être aussi sûr ?
- Bien sûr, vous avez le droit de douter de mon propos, dit Djeha-Hodja Nasreddin. Dans ce cas, vous enlèverez un poil de la queue de mon âne pendant j'en enlèverai un de votre menton. S'il reste un seul poil sur la queue de l'âne après que votre barbe ne soit épilée ou si, dans sur votre menton, il reste un seul poil alors qu'il n'y en a plus sur la queue de mon âne, vous pourrez dire que vous plus sage que Djeha-Hodja Nasreddin.

Nasreddin et le savant

Djeha-Hodja Nasreddin avait un bac qu'il utilisait pour faire traverser la rivière aux gens. Un jour son passager était un savant décidé à tester le savoir de Djeha-Hodja Nasreddin et à lui donner une leçon.
- Dites-moi, Djeha-Hodja Nasreddin, comment orthographiez-vous le mot"magnificence" ?
- Je ne sais pas, dit Djeha-Hodja Nasreddin en continuant de ramer.
- Combien font deux tiers de neuf ?
- Aucune idée.
- comment calcule t-on la surface d'un triangle ?
- Pas la moindre idée.
- Vous n'avez donc pas appris tout cela à l'école ?
- Non !
- Dans ce cas, la moitié de votre vie est perdue.
À ce moment même, une terrible tempête est survenue et la barque a commencé à couler. Les deux hommes se retrouvèrent à l'eau, assez loin l'un de l'autre.
- Dites-moi, Monsieur le savant, dit Djeha-Hodja Nasreddin. Avez-vous appris à nager ?
- Non, jamais ! Dit lesavant qui se débattait pour ne pas se noyer.
- Dans ce cas, lui cria Djeha-Hodja Nasreddin, ce n'est pas la moitié, mais c'est votre vie entière qui est perdue.

Le commerçant polyvalent

Djeha-Hodja Nasreddin entre dans un bazar où l'on vend de tout et demande au commerçant :
- Vends-tu des planches ?
- Oui, j'en vends.
- Vends-tu des clous ?
- Oui, j'en vends aussi
- As-tu des scies ?
- Oui, j'en ai.
- As-tu des rabots ?
- Oui, j'en ai aussi.
- Alors, demanda Hodja, comment se fait-il qu'avec tout ça tu ne sois pas menuisier !

Nasreddin et le pommier

Djeha-Hodja Nasreddin plantait un pommier dans son jardin quand le sultan vint à passer ; il s'arrêta et dit à Djeha-Hodja Nasreddin, d'un ton moqueur :
- Voyons, Djeha-Hodja Nasreddin ! Pourquoi te donnes-tu tant de peine ? Tu ne mangeras jamais les fruits de ce pommier. Tu sais bien que tu mourras avant qu'il ne commence à produire des pommes.
Ce à quoi Djeha-Hodja Nasreddin répondit :
- Oh Sultan ! Nous mangeons les fruits des pommiers plantés par nos pères, et nos enfants mangeront les fruits des pommiers plantés par nous.
Cette réponse pleine de sagesse plut au sultan qui, en récompense, donna une pièce d'or à Djeha-Hodja Nasreddin.
- Oh Sultan ! , Dit Djeha-Hodja Nasreddin en empochant la pièce, voyez comme ce pommier a déjà donné des fruits.
Cette remarque fit rire le sultan, qui lui donna une autre pièce d'or.
- C'est de plus en plus extraordinaire, s'écria Djeha-Hodja Nasreddin. Voilà un pommier qui donne deux récoltes par an.
Le sultan se mit à rire aux éclats et donna une troisième pièce d'or à Djeha-Hodja Nasreddin.

Un régime efficace

Quand Djeha-Hodja Nasreddin exerçait la médecine, un homme obèse vint le trouver.
- Vois-tu Hodja effendi, je ne peux plus respirer, je marche avec difficulté avec ce ventre énorme. Hodja effendi, il faut me trouver un remède.
- Hélas pour toi, je ne peux rein, ta maladie n'a pas de remède efficace. Dans un mois, tu seras mort.
Rentrant chez lui désespéré et ne songeant plus qu'au repos de son âme, l'homme s'est tellement plongé dans la prière qu'il en oublia de s'alimenter. Au bout d'un mois, comme il ne se passait rien et qu'il était toujours vivant, il retourna voir Djeha-Hodja Nasreddin, en colère cette fois-ci :
- Espèce de charlatan, à cause de toi, je viens de vivre un mois d'angoisse que je ne suis pas prêt d'oublier et cela pour rien !
- Comment pour rien, regarde ton ventre, il a disparu. Et surtout pense à me payer le prix de la consultation.

De l'or ou des cailloux ?

Dans un village où Djeha-Hodja Nasreddin était imam, les gens avaient l’habitude de collectionner des pièces d’or, de les mette dans une jarre et de l’enterrer dans leur jardin. Une fois par an, ils déterraient la jarre, admiraient les pièces puis l’enterrait de nouveau. Djeha prit des cailloux, les mit dans une jarre et l’enterra.
- Effendi, ça ne va pas ainsi, tu dois remplir ta jarre d’or, lui dirent les gens.
- Braves gens, dit Hodja, considérant que vous ne dépensez pas votre argent, qu’importe que ce soit de l’or ou des cailloux ?

La dette de cinq piastres

Djeha-Hodja Nasreddin flânait dans le marché quand un commerçant l'accosta, lui reprochant de ne pas payer sa dette.
- Cher ami, lui demanda Djeha, combien vous dois-je au juste ?
- Soixante-quinze piastres, cria le commerçant, en colère.
- D’accord, d’accord, répondit Djeha. Vous savez bien que j'ai l'intention de vous payer trente-cinq piastres demain et trente-cinq autres le mois prochain. Cela signifie que je ne vous dois plus que cinq piastres. N'avez-vous pas honte de m'accoster ainsi en public pour une dette de seulement cinq piastres ?

Une question de lumière

Un jour, un homme trouve Djeha-Hodja Nasreddin en pleine nuit, à quatre pattes, cherchant quelque chose dans le halo de lumière d'un lampadaire.
- As-tu égaré quelque chose ? Lui demande-t-il.
- Oui, j'ai perdu mes clés, répond Djeha-Hodja Nasreddin.
- Et où les as-tu laissées tomber ?
- Là-bas, dit Djeha-Hodja Nasreddin, en désignant un porche obscur.
- Mais alors pourquoi les cherches-tu ici, alors que tu les as perdues ailleurs ? C'est stupide !
- Pas tant que ça ! Répond Djeha-Hodja Nasreddin, je préfère les chercher là où il y a de la lumière !

La valeur du pourboire

Un jour, Djeha-Hodja Nasreddin alla aux bains publics, mais on ne le traita pas comme il l'aurait souhaitait. On lui donna un vieux peignoir de bain et une serviette élimée. Il ne dit rien et donna une pièce d'or à chacun des hammamjis, ils se maudirent alors d'avoir traité si modestement leur client. Une semaine plus tard, il revint au même établissement. Il fut chaleureusement accueilli, chacun rivalisant avec les autres pour lui offrir le meilleur service possible. En sortant, il donna un tout petit pourboire.
- Comment, dirent les employés, cette somme ridicule pour ce que nous t'avons offert !
- Ceci, répliqua Djeha-Hodja Nasreddin, c'est pour la manière dont j'ai été traité la semaine dernière. Le pourboire de la semaine dernière était pour la manière dont vous m'avez traité aujourd'hui.

Le joueur de luth

Quelqu'un demanda, un jour, à Djeha-Hodja Nasreddin s'il savait jouer du luth.
- Oui, répondit Djeha-Hodja Nasreddin
On lui donna un luth et il commença à jouer.
- Diiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiing ....
Toujours la même note, avec la même corde, à plusieurs reprises. Après quelques minutes, les gens demandèrent à Djeha-Hodja Nasreddin de cesser de jouer.
- Djeha-Hodja Nasreddin, ce n'est pas une façon correcte de jouer du luth, vous jouez toujours la même note. Les joueurs de luth déplacent leurs doigts de haut en bas et vice-versa.
- Eh bien, je sais pourquoi ils vont en haut et en bas et essayent les différentes cordes.
- Pourquoi donc cela ?
- Parce qu'ils cherchent cette note que, moi, j'ai déjà trouvée.

Le chat et le gigot

Djeha-Hodja Nasreddin va au marché et achète un gigot de trois livres. Il rentre chez lui et donne la viande à sa femme, en lui demandant :
- Voici la viande pour le déjeuner. Fais-la cuire à point, comme je l'aime !
Puis il sort.Sa femme fait cuire le gigot. Comme on frappe à la porte, elle ouvre : c'est son frère qui revient de voyage. Il a faim. Tous deux se mettent à table et finissent par manger tout le gigot.Djeha-Hodja Nasreddin rentre et dit :
- Ça sent bon ! Où est la viande que j'ai achetée ?
- Le chat a tout mangé pendant que j'étais occupée à faire le ménage, répond sa femme.
Djeha-Hodja Nasreddin court après le chat. Il l'attrape et le met sur le plateau de la balance : il constate alors qu'il pèse trois livres.
- Scélérate, crie-t-il à sa femme. Si les trois livres sont de la viande, où est le chat ? Et si c'est le poids du chat, où est la viande ?

Nasreddin le médecin

Nasreddin Hodja avait envie d'apprendre la médecine. Il alla voir le médecin le plus célèbre de sa ville et lui fit part de son désir : " Tu tombes bien, lui dit le médecin, je vais visiter quelques malades; viens avec moi, tu pourras ainsi apprendre le métier sur le terrain. "
Nasreddin accompagna le médecin chez le premier malade. Le médecin regarda à peine le patient et lui dit: " Ton cas est très simple : ne mange plus autant de cerises, bois une tisane avant de dormir et demain tu seras guéri. "
Nasreddin Hodja était plein d'admiration. Dans la rue, il ne tarit pas d'éloges : " Ô ! maître, vous êtes vraiment un grand médecin! Comment, sans toucher le malade, avez-vous pu deviner de quoi il souffrait ? "
" C'est très simple, lui répondit-il, j'ai regardé sous le lit et j'ai vu qu'il y avait un gros tas de noyaux de cerises. J'en ai déduit qu'il en avait trop mange. "
Le Hodja se dit que la médecine était plutôt simple et qu'il pouvait l'exercer à son tour. Il se déclara médecin et, dès le lendemain, alla visiter son premier patient. Il entra, regarda sous le lit et ne vit que les vieilles babouches du malade :
" Ton cas est simple, lui dit,il, ne mange plus autant de babouches, bois une tisane avant de dormir et demain tu seras tout à fait guéri. "

Le manteau de Nasreddin

Un soir que Nasreddin revenait de son travail dans les champs avec des vêtements sales et crottés, il entendit chanter et rire et il comprit qu'il y avait une fête dans les environs.
Or, chez nous, quand il y a une fête, tout le monde peut y participer. Nasreddin poussa donc la porte de la maison et sourit de bonheur, une bonne odeur de couscous se dégageait de la cuisine. Mais il ne put aller plus loin: il était tellement mal habillé qu'on le chassa sans ménagement. En colère, il courut jusqu'à sa maison, mit son plus beau manteau et revint à la fête. Cette fois, on l'accueillit, on l'installa confortablement et on posa devant lui à manger et à boire. Nasreddine prit alors du couscous, de la sauce et du vin, et commença à les verser sur son manteau. Et il disait :
- Mange, mon manteau! Bois, mon manteau !
L'homme assis à son côté lui dit :
- Que fais-tu, malheureux ? Es-tu devenu fou ?
- Non, l'ami, lui répondit Nasreddin. En vérité, moi je ne suis pas invité ; c'est mon manteau qui est invité.

Le lac et le seau

Nasreddin et un de ses amis sont assis un soir au bord du lac d'Aksehir. L'homme a déjà entendu le Hodja soutenir bon nombre de paradoxes et même d'inepties et il commence à en avoir assez :
- Enfin, Nasr Eddin, tu exagères! La réalité existe, tout de même.
- Certes, concède le Hodja, mais elle est très relative...
- Du tout, elle est absolue !
- Donne-moi un exemple d'une telle réalité, insiste Nasr Eddin.
- Eh bien, je ne sais pas... Tiens, tu ne vas quand même pas prétendre qu'on pourrait mettre toute l'eau de ce lac immense dans un seau !
- Eh bien, si, justement ! Cela dépend de la taille du seau.

Une baisse de moral

Un voisin du Mullah Nasrudin était venu le voir pour lui conter ses malheurs. Il semblait visiblement bien attristé par ce qui lui était arrivé dernièrement, des problèmes divers et variés auxquels s'ajoutaient des inquiétudes sur la marche du monde.
Nasrudin, assis sur le banc à côté de son voisin, écoutait patiemment, sans un mot.
Soudain, alors que son voisin continuait de se lamenter sur son sort, le visage de Nasrudin s'éclaira :
- Voisin, tu aimerais pouvoir être dégagé du besoin de travailler pour nourrir ta famille ?
- Oui, dit le voisin qui venait de se plaindre du temps passé en voyages pour vendre ses marchandises.
- Voisin, tu voudrais pouvoir rester faire la sieste à l'ombre d'un arbre frais quand tu le souhaites ?
- Oui, fit le voisin avec un visage qui commençait à s'éclairer.
- Voisin, tu voudrais pouvoir passer ton temps à jouer ou à te détendre sans rendre de comptes à personne ?
- Oh oui ! fit le voisin qui commençait de reprendre espoir.
- Voisin, tu voudrais que l'on te donne de l'affection seulement quand tu viens en chercher, sans rien te demander en retour ?
- C'est bien cela Nasrudin ! Que tu es clairvoyant ! dit le voisin avec ardeur.
Nasrudin se leva d'un bon et se mit à courir en direction du village. Le voisin se leva du banc sur lequel il était assis et héla Nasrudin avant qu'il ne soit trop loin.
- Mais Nasrudin, où vas-tu ?
- Je cours à la mosquée pour prier Allah de te transformer en chat !

Quarante ans d'âge

Un voisin vint voir Nasrudin pour lui demander une faveur :
- Mullah, j’ai entendu dire que tu avais dans ta cave un délicieux vinaigre de plus de quarante ans d’âge ! Tu serais certainement prêt à en partager un peu avec ton vieil ami et voisin, n’est-ce pas ?
- Certainement pas ! répondit Nasrudin. Crois-tu que si j’en avais partagé un peu avec n’importe qui, il aurait quarante ans d’âge aujourd’hui ?

Les notables

Tout l'après-midi, Nasrudin s'est promené en compagnie de deux notables de la ville, l'imam et le kadi, mais l'heure est venue de se séparer.
- Tu es vraiment un homme surprenant, remarque le religieux. Parfois on dirait que tu es un filou capable de voler et de duper n'importe qui, et puis, quelques instants après, on croirait avoir affaire à un imbécile.
- Allons, Nasrudin, sois franc pour une fois, continue le magistrat, dis-nous donc qui tu es en réalité : un escroc, un idiot ?
- Cela dépend, répond Nasrudin, mais ce que je peux vous dire tout de même, chers amis, c'est qu'en ce moment je suis juste entre les deux !

L'altercation

Le Mullah Nasrudin, assis sur un banc du village, se tenait à l'ombre d'un palmier, à côté de son âne.
Un client arriva dans une boutique et aussitôt, une violente dispute s'engagea entre ce dernier, le marchand et sa femme venue en renfort. Tous s'agitaient, criaient fort, en faisant de grands gestes, des moues agressives et en se désignant tout à tour du doigt.
Bientôt, un attroupement se forma auquel se mêlèrent le cadi et l'imam, bientôt agités, eux aussi, par de grands mouvements de colère.
Nasrudin tira sur la bride de son âne afin de lui dire :
- Vous les ânes, vous avez de la chance. Vous ne vous agitez pas ostensiblement pour vous prouver que vous existez !

Nasreddin, son fils et l’âne

Djeha-Hoja dit un jour à son fils, alors qu’il atteignait sa douzième année :
- Demain, tu viendras avec moi au marché.
Tôt le matin, ils quittèrent la maison. Djeha-Hoja s’installa sur le dos de l’âne, son fils marchant à côté de lui. A l’entrée de la place du marché, Djeha-Hoja et de son fils furent l’objet de railleries acerbes :
- Regardez-moi cet homme, il n’a aucune pitié ! Il est confortablement assis sur le dos de son âne et il laisse son jeune fils marcher à pied.
Djeha-Hoja dit à son fils :
- As-tu bien entendu ? Demain tu viendras encore avec moi au marché !
Le deuxième jour, Djeha-Hoja et son fils firent le contraire de la veille : le fils monta sur le dos de l’âne et Djeha-Hoja marcha à côté de lui. A l’entrée de la place, les mêmes hommes étaient là, qui s’écrièrent
- Regardez cet enfant, il n’a aucune éducation, aucun respect envers ses parents. Il est assis tranquillement sur le dos de l’âne, alors que son père, le pauvre vieux, est obligé de marcher à pied !
Djeha-Hoja dit à son fils :
- As-tu bien entendu ? Demain tu viendras de nouveau avec moi au marché !
Le troisième jour, Djeha-Hoja et son fils sortirent de la maison à pied en tirant l’âne derrière eux, et c’est ainsi qu’ils arrivèrent sur la place. Les hommes se moquèrent d’eux :
- Regardez ces deux idiots, ils ont un âne et ils n’en profitent même pas. Ils marchent à pied sans savoir que l’âne est fait pour porter des hommes.
Djeha-Hoja dit à son fils :
- As-tu bien entendu ? Demain tu viendras avec moi au marché !
Le quatrième jour, lorsque Djeha-Hoja et son fils quittèrent la maison, ils étaient tous les deux juchés sur le dos de l’âne. A l’entrée de la place, les hommes laissèrent éclater leur indignation :
- Regardez ces deux-là, ils n’ont aucune pitié pour cette pauvre bête !
Djeha-Hoja dit à son fils :
- As-tu bien entendu ? Demain tu viendras avec moi au marché !
Le cinquième jour, Djeha-Hoja et son fils arrivèrent au marché portant l’âne sur leurs épaules. Les hommes éclatèrent de rire :
- Regardez ces deux fous, il faut les enfermer. Ce sont eux qui portent l’âne au lieu de monter sur son dos.
Et Djeha-Hoja dit à son fils ;
- As-tu bien entendu ? Quoi que tu fasses dans ta vie, les gens trouveront toujours à redire et à critiquer.

Nasreddin a perdu son âne

Djeha-Hodja Nasreddin a perdu son âne, mais au lieu de le chercher, il parcourt les rues de la ville en criant :
- Louange à Dieu le Clément ! Louange à Dieu le Miséricordieux !
Connaissant l'attachement de Djeha-Hodja Nasreddin pour son âne, les voisins sont surpris et demandent à Djeha-Hodja Nasreddin :
- Pourquoi ces louanges à Dieu ? Tu ne devrais pas plutôt demander Son aide pour retrouver ton âne ?
- Vous n'avez rien compris, déclare Djeha-Hodja Nasreddin. Je remercie Dieu de ne pas m'être trouvé sur son dos quand il a disparu. Sinon, c'est moi qui aurai été perdu.

Comment lisent les ânes

Dans une conversation avec Tamerlan, Djeha-Hodja Nasreddin commença à vanter les mérites de son âne :
- Il est tellement intelligent que je peux tout lui apprendre, même à lire.
- Va et apprend lui à lire, dit Tamerlan. Je te donne trois mois pour cela.
De retour chez lui, il commença l'apprentissage avec son âne. Il mit sa nourriture habituelle entre les pages d'un gros livre et lui apprit à tourner les pages avec sa langue pour trouver la nourriture. Il cessa de le nourrir trois jours avant le terme de trois mois fixé par Tamerlan. Emmenant l'animal à Tamerlan, il lui demanda un gros livre et le posa devant l'âne affamé. Ce dernier entreprit de tourner les pages avec sa langue et, ne trouvant rien, se mit à braire.
- C'est sûrement une étrange manière de lire, dit Tamerlan.
- Oui, rétorqua Djeha-Hodja Nasreddin, c'est ainsi que lisent les ânes.

Se mordre l'oreille

Deux hommes sont venus consulter Djeha-Hodja Nasreddin quand il était magistrat. Le premier homme dit,
- Cet homme a mordu mon oreille - J'exige un dédommagement.
- Il s’est mordu lui-même, dit le second. Nasreddin s'est retiré et a passé une heure à essayer de se mordre l’oreille. En vain, il n’a réussi qu’à se faire une bosse au front en tombant. ! De retour dans la salle du tribunal, Nasreddin prononça la sentence :
- Examinez l'homme dont l'oreille a été mordue. S’il a une bosse au front, il l'a fait lui-même et la plainte est écartée. Si son front n'est pas contusionné, c’est l'autre homme qui l'a fait et il doit payer une amende.

Le clou et la maison de Nasreddin

Ayant des besoins d’argent, Djeha-Hodja Nasreddin se décida à vendre sa maison. Mais il passa un accord avec l’acheteur, à qui il dit :
- Je te vends tout, sauf ce clou.
L’acheteur accepta. Le lendemain de la vente, Djeha-Hodja Nasreddin revient dans son ancienne maison et dit à l’acheteur :
- Je dois accrocher quelque chose à mon clou, et il y accroche un sarouel sale. L’acheteur n’est pas content mais il ne dit rien. Le jour d’après, Djeha-Hodja Nasreddin vint déposer une carcasse de mouton. Face aux protestations de l'acheteur, Djeha-Hodja Nasreddin répond :
- C’est mon clou. Je peux y mettre ce que je veux.
Et il en fut ainsi tous les jours. La maison était devenue une vraie puanteur. Excédé, l’acheteur dit à Djeha-Hodja Nasreddin :
- Il nous faut trouver une solution, je n’en peux plus.
Ce à quoi Djeha-Hodja Nasreddin répond :
- Si tu veux, je te rachète la maison à moitié prix.
Et c’est ainsi que Djeha-Hodja Nasreddin récupéra sa maison.

Le voyageur rusé et le mur

Un voyageur, de passage au village, demanda à un homme, adossé à un mur, s'il connaissait bien Djeha-Hodja Nasreddin ?
- Je voudrais le rencontrer, dit-il, car on prétend qu'il est rusé. Étant donné que je prétends être plus rusé, je voudrais me mesurer à lui.
L'homme lui répond :
- Peux-tu maintenir ce mur avec ton dos ? Ici, les hommes du village se relaient pour éviter qu'il ne tombe. Pendant ce temps, je vais aller chercher Djeha-Hodja Nasreddin et je reviens prendre ma place.
L'homme s'exécuta aussitôt. Au bout de quelques heures, des hommes du village qui se demandaient ce qu'il faisait, l'abordent. Il leur expliqua ce qui s'est passé. Ils lui répondirent :
- Pauvre idiot, tu as eu affaire à Djeha-Hodja Nasreddin lui-même!!!

La grasse matinée

Djeha-Hodja Nasreddin et sa femme paressaient au lit et aucun d'eux n'avait envie de se lever.
- Kalima, dit Djeha-Hodja Nasreddin, va voir dehors s'il pleut encore.
- Non, le temps est sec, sinon tu entendrais le bruit de la pluie sur le toit.
- Alors, lève-toi pour mettre une bûche dans le feu.
- Tu ne vois pas d'ici qu'il reste encore des braises dans la cheminée ?
- Je vois que tu n'as aucune envie de te lever. Puisque tu as réussi à faire deux tâches sans sortir du lit, dis-moi comment tu comptes t'acquitter de la troisième ?
- Laquelle ? Interrogea Kalima
- Traire la chèvre qui se trouve dans la cabane, au bout du jardin.

Nasreddin